Comment mieux respirer

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PAR: ÉRIC FAFARD
ENTRAÎNEUR-KINÉSIOLOGUE


Nous tenons tous pour acquis ce réflexe que nous répétons près de 20 000 fois par jour. Nous ignorons bien souvent l’impact que ce processus a sur notre santé. Pour la plupart d’entre nous, nous faisons peu de cas de notre hygiène respiratoire. Nous ne prenons pas suffisamment le temps de s’arrêter pour se poser la question: « Comment mieux respirer ? ».

Il est possible de dérégler notre respiration à travers de mauvaises habitudes. Ceci peut avoir des impacts majeurs sur notre santé en affectant  notre système immunitaire, digestif, notre sommeil et notre niveau d'anxiété.

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La respiration est le seul processus de notre système nerveux autonome que nous pouvons consciemment contrôler. Il y a plusieurs types de respirations, mais il y en a trois en particulier qui concernent notre quotidien. La respiration calme au repos (lente, fluide et diaphragmatique), une respiration plus intense à l’effort (rapide, puissante, localisée dans le haut de la poitrine) et finalement une respiration restreinte lors de période stressante (courte ou quasi inexistante, saccadée). Notre respiration nous permet, entre autres, de mieux gérer l’équilibre entre notre stress au quotidien qui peut être physique, émotionnel ou psychologique, et notre besoin de se reposer. Le tout se fait en facilitant la transition de notre système nerveux sympathique (combat ou fuite) vers parasympathique (repos et digestion).

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Lorsque nous dormons, que le système parasympathique prend le dessus, le corps s’assure de continuer notre ventilation de façon constante pour - une évidence - nous garder en vie. Celle-ci sera plus lente et profonde, aidera à la récupération et facilitera la digestion. Cependant, lors de l’éveil, plusieurs facteurs externes peuvent affecter le rythme respiratoire. Les stress environnants peuvent causer un raccourcissement et une accélération de ce rythme et, à d’autres moments, se manifester par des rétentions de souffle involontaires. Anciennement, ces réflexes servaient à nous camoufler d’un prédateur en nous immobilisant complètement ou bien en accélérant notre respiration pour préparer la fuite. De nos jours, ces fluctuations involontaires peuvent contribuer à l’augmentation des symptômes d’anxiété en surchargeant le système sympathique. Heureusement, lorsqu’éveillés, nous avons un contrôle conscient de notre respiration. Nous pouvons donc agir et mieux respirer dès que nous le souhaitons.

C’est une autre évidence, mais est-ce que nous utilisons ce contrôle au quotidien? Bien peu d’entre nous prennent un moment pour s’arrêter et consciemment mieux respirer. Je vous propose des exercices plus loin dans cet article.

TROP RESPIRER ?

Avant de mieux respirer, revenons aux dérèglements évoqués plus tôt. Une des premières problématiques est un rythme de respiration trop rapide. Plusieurs experts s'entendent sur cette difficulté. Pour en mentionner deux, nommons le Dr Konstantin Buteyko. Créateur de la technique Buteyko dans les années ‘50, une approche holistique au traitement de l’asthme et autres maladies respiratoires. Il fut un des premiers à étudier les impacts d’une respiration trop rapide sur notre santé. Patrick McKeown est également une sommité dans le domaine. Il est l’élève de Buteyko. Je vous recommande son livre The Oxygen Advantage qui apporte des solutions pratiques avec des techniques de contrôle de la respiration. Il aborde également l’importance de la respiration nasale (nous y reviendrons un peu plus bas) et bien sûr, de la problématique souvent laissée de côté de la « sur-respiration ».

Afin d’aller plus loin et tenter de mieux comprendre les enjeux associés à une respiration trop rapide, il faut faire une distinction entre la ventilation pulmonaire et la respiration cellulaire, deux étapes essentielles à ce que nous appelons plus généralement la respiration.

Dans la ventilation, lorsque le diaphragme se contracte à l’inspiration, le raccourcissement du muscle permet d’augmenter le volume pulmonaire en se déplaçant vers le bas. Ainsi une pression négative se crée à l’intérieur des poumons ce qui les remplit d’air. Ensuite lorsque le diaphragme se détend, il y a l'effet inverse, le diaphragme remonte vers le haut et vide les poumons d’air. À noter que les poumons ne sont jamais complètement vides et l'échange gazeux est en continu au niveau des alvéoles.

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Une fois les poumons plein d’air, que la portion inspiration de la ventilation a eu lieu, il y aura une forme de transaction moléculaire ou l'hémoglobine (cellules rouges) par l’entremise des alvéoles (petits sacs dans les poumons) échangeront le CO₂ qui y est fixé pour de l’oxygène. Ensuite, l’hémoglobine oxygénée sera distribuée aux tissus de notre corps, par l’entremise de la circulation sanguine dans les artères, l’échange se fera à nouveau à l’inverse. Ce phénomène est ce qui fait passer la couleur de notre sang d’un rouge vif vers un rouge plus sombre et bleuté. Au niveau cellulaire, l’oxygène sera utilisé pour métaboliser les substrats énergétiques de notre alimentation pour les convertir en énergie pour nos cellules et en chaleur. Cette dernière étape (métabolisation) est ce que nous appelons la respiration cellulaire.

Il est important de retenir que le CO₂ est essentiel pour fixer l’oxygène. Ceci est dû au principe de l'osmolalité (concentration de ces gaz dans notre sang) qui est nécessaire pour faciliter l’échange gazeux aux alvéoles et aux cellules.

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La ventilation pulmonaire et la respiration cellulaire expliquées, revenons à l’impact d’une respiration excessive. Malheureusement, de nos jours l’être humain est exposé à des niveaux de stress plus élevés et plus fréquents. On peut penser aux stress psychologiques, émotionnels, liés au travail ou aux obligations familiales. On doit aussi considérer le stress physique toujours du côté travail ou encore de l’entraînement. Eh oui! Lorsque l’on parle de stress physique, l’entraînement fait partie du lot. À dosage approprié, l’exercice physique contribue énormément à notre santé physique et mentale. Par contre, lorsque le stress physique est trop fréquent, intense et jumelé à d'autres sources, il peut y avoir un effet cumulatif sur notre système nerveux et par ricochet une augmentation du niveau d’acidité sanguine. Dans ce cas, il y aura une compensation qui se manifestera par une respiration plus courte et fréquente du haut de la cage thoracique dans une tentative pour équilibrer l’alcalinité du corps en réduisant le taux de CO₂ sanguin.

Ainsi une boucle de rétroaction négative s’installe. Nous ouvrons la bouche pour augmenter le volume d’air dans nos poumons et nous augmentons la fréquence de la respiration. Du fait, nous diminuons davantage le taux de CO₂, ce qui diminue notre capacité de fixer l’oxygène et par conséquent prive notre système de l’équilibre CO₂-Oxygène important pour un métabolisme efficace.

De plus, le fait d’avoir un taux de CO₂ faible réduit notre tolérance à ce qui est considéré comme un taux normal dans le sang. Ce phénomène peut augmenter le sentiment d’anxiété et de panique, car lorsque le cerveau perçoit le taux de CO₂ comme étant trop élevé (alors que celui-ci peut être normal), il interprète le tout comme une forme d'asphyxie et déclenche des signaux d’alarme. Des recherches démontrent la corrélation entre une faible tolérance au CO₂ et l’anxiété.

Comment MIEUX respirer

Cela peut paraître anodin, mais nous devons commencer par respirer par le nez. Que l’on parle  de repos, du sommeil et même lors d’efforts, le nez est un atout majeur du système respiratoire. Sa conception est incroyable! Les petits poils à l'intérieur du nez et ses muqueuses agissent comme première ligne de défense pour nos poumons en filtrant poussières, allergènes et même certaines bactéries. Ces dernières seront ensuite acheminées vers notre estomac et détruites par son acidité. Ensuite, les cornets nasaux du nez humidifient, réchauffent et ralentissent le débit de l’air afin que nous puissions remplir nos poumons efficacement. En respirant par la bouche, cette portion importante de la respiration est naturellement court-circuitée. 

Dans un deuxième temps, nous devons apprendre à ralentir notre respiration. L’être humain adulte moyen respire de 12 à 16 fois par minute au repos. Lorsque nous réduisons le nombre de respirations par minute entre 5 et 6, il est possible d’atteindre un principe appelé cohérence cardiaque. La cohérence cardiaque démontre avoir des effets apaisants sur le système nerveux en réduisant les taux de cortisol (hormone de stress). Il contribue également à une réduction de la tension artérielle et peut améliorer la qualité du sommeil. Ceci est facilement atteignable grâce à la respiration circulaire. C’est un exercice très simple, il suffit d’imaginer qu’un cercle représente notre souffle. Une inspiration pendant 5 secondes représente la moitié du cercle et une expiration pendant 5 secondes représente la deuxième moitié. Il est recommandé de débuter avec ce type d’exercice pendant 5 minutes deux à trois fois par jour. Essentiellement, plus notre respiration se rapproche de ce tempo, moins il y aura de fluctuation dans nos fréquences cardiaques. Ceci semble être la clé derrière les bienfaits apaisants de la cohérence cardiaque. 

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De plus, nous devons aussi explorer l’amplitude de nos respirations. Au lieu de prendre de petites respirations courtes en travaillant le haut de la cage thoracique à l’aide des muscles respiratoires accessoires, nous devons laisser notre diaphragme prendre une pleine expansion afin de remplir nos poumons. Une respiration lente et diaphragmatique peut améliorer notre digestion et notre humeur en facilitant la transition du système nerveux sympathique vers la branche parasympathique. Ceci peut être pratiqué consciemment tout au long de la journée et pendant différents exercices de respirations.  

Il est aussi possible d’améliorer notre tolérance au CO₂ grâce à de petites rétentions de souffle au repos ou bien en limitant notre effort à l’entraînement afin de conserver une respiration nasale. Au quotidien, je recommande une technique nommée le sama vrrti ou respiration carrée (box breathing en Anglais), un exercice élémentaire du pranayama (respiration yogique). Cette fois-ci, nous voulons imaginer un carré ou l’un des côtés représente une inspiration de 4 s. Le côté suivant, une rétention de 4 s. Le troisième côté, une expiration de 4 s et, pour terminer le carré, une rétention à vide de 4 s. De cette façon, nous apprenons à notre corps que le CO₂ n’est pas dangereux et notre corps s’adapte pour ne pas réagir si fortement lorsque la concentration de ce gaz augmente dans notre sang.

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EN RÉSUMÉ

C’est ainsi qu'en prenant de simples habitudes que nous pouvons améliorer notre respiration. À première vue, ces actes semblent anodins, mais peuvent avoir une répercussion importante sur votre santé. En prenant conscience de notre respiration au quotidien, il est possible d’améliorer notre digestion, notre sommeil, notre récupération suite à l'effort, notre niveau d’énergie, notre niveau de stress et d’anxiété sans oublier notre système immunitaire. Il s’agit d’un outil indispensable à notre santé. Il ne coûte pas grand-chose, autre qu’un peu de temps et d’attention durant la journée.

AU QUOTIDIEN

Voici une suggestion pour intégrer à votre journée les exercices proposés ci-dessus.

RESPIRATION CIRCULAIRE / Au réveil, débuter avec un 5 à 10 minutes de respiration lente et consciente. La respiration doit être nasale. La technique du cercle, qui équivaut à caler vos inspirations et vos expirations sur 5 s (voir image ci-dessus), est de mise.

RESPIRATION CARRÉE / En après-midi, lorsque vous avez besoin d’une pause du travail. Prendre 10 minutes pour pratiquer la respiration carrée. Débuter avec des côtés de 4 s et augmenter progressivement à toutes les cinq respirations d’une seconde si c’est confortable. 


QUELQUES MOTS SUR ÉRIC

Avec 4 ans d'arts martiaux à un niveau compétitif, la mobilité a toujours occupé un espace important dans son propre entraînement et par ricochet dans l'encadrement qu'il offre.

Il entraîne plusieurs athlètes parmi ceux-ci, Laurent Duvernay-Tardif (NFL) et Frédérique Lambert (championne racquetball).

Muni d'une approche holistique, il s'assure d'avoir un réel impact dans la vie des membres qu'il a la chance d'aider. Il le fait au quotidien via des séances d’entraînement privé ou lors de séances yoga. Il est responsable de l’offre yoga au Studio.

Formations: B.Sc Science de l’activité physique / Functional Movement Screen (FMS 1-2) / Certified Strength and Conditioning Coach (CSCS/NSCA) / Kettlebell 1 & Mobilité 1 (Agatsu) / Precision Nutrition / Fitness Kickboxing Canada 1-2 / Atelier Mike Boyle - Strength & Conditioning / Wanderlust - Yoga Vinyasa 200 h / Wanderlust - Yoga Vinyasa avancée 100 h


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RÉFÉRENCES ET LECTURES:

HHP-Foundation / Référence en respiration

Ventilatory Physiology of Children and Adolescents With Anxiety Disorders / Daniel S. Pine, MD; Jeremy D. Coplan, MD; Laszlo A. Papp, MD, et al

Clinical Correlates of Carbon Dioxide Hypersensitivity in Children / Dr. Lance M. Rappaport, PhD, Dr. Christina Sheerin, PhD, Ms. Dever M. Carney, BA, Dr. Kenneth E. Towbin, MD, Dr. Ellen Leibenluft, MD, Dr. Daniel S. Pine, MD, Dr. Melissa A. Brotman, PhD, Dr. Roxann Roberson-Nay, PhD, and Dr. John M. Hettema, MD, PhD

Anxiety, CO2 tolerance, and breath practice in high school students: feasibility and observations of a 6-week slow breathing program / Tanya GK Bentley, PhD, Rob Wilson, Brian MacKenzie, Scott Russell, MEd

Acute anxiety and autonomic arousal induced by CO2 inhalation impairs prefrontal executive functions in healthy humans / George Savulich, Frank H. Hezemans, Sophia van Ghesel Grothe, Jessica Dafflon, Norah Schulten, Annette B. Brühl, Barbara J. Sahakian & Trevor W. Robbins

Relaxation techniques: Breath control helps quell errant stress response / Publication de Harvard Health Publishing

Breath: The New Science of a Lost Art / James Nestor

The Oxygen Advantage / Patrick Mckeown